domingo, 22 de dezembro de 2013

UM POEMA DE LOUIS ARAGON


 Je suis l’hérésiarque de toutes les églises 
Je te préfère à tout ce qui vaut de vivre et de mourir 
Je te porte l’encens des lieux saints et la chanson du forum 
Vois mes genoux en sang de prier devant toi 
Mes yeux crevés pour tout ce qui n’est pas ta flamme 
Je suis sourd à toute plainte qui n’est pas de ta bouche 
Je ne comprends des millions de morts que lorsque c’est toi qui gémis 
C’est à tes pieds que j’ai mal de tous les cailloux des chemins 
A tes bras déchirés par toutes les haies de ronces 
Tous les fardeaux portés martyrisent tes épaules 
Tout le malheur du monde est dans une seule de tes larmes 
Je n’avais jamais souffert avant toi 
Souffert est-ce qu’elle a souffert 
La bête clamant une plaie 
Comment pouvez-vous comparer au mal animal 
Ce vitrail en mille morceaux où s’opère une mise en croix du jour 
Tu m’as enseigné l’alphabet de douleur 
Je sais lire maintenant les sanglots Ils sont tous faits de ton nom 
De ton nom seul ton nom brisé ton nom de rose effeuillée 
Ton nom le jardin de toute Passion 
Ton nom que j’irais dans le feu de l’enfer écrire à la face du monde 
Comme ces lettres mystérieuses à l’écriteau du Christ 
Ton nom le cri de ma chair et la déchirure de mon âme 
Ton nom pour qui je brûlerais tous les livres 
Ton nom toute science au bout du désert humain 
Ton nom qui est pour moi l’histoire des siècles 
Le cantique des cantiques 
Le verre d’eau dans la chaîne des forçats 
Et tous les vocables ne sont qu’un champ de culs-de- bouteille à la porte d’une cité audite 
Quand ton nom chante à mes lèvres gercées 
Ton nom seul et qu’on me coupe la langue 
Ton nom 
Toute musique à la minute de mourir

Nenhum comentário:

Postar um comentário